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Démocratie en Afrique : quels défis ?

La démocratie est un idéal et un objectif, fondé sur des valeurs fondamentales et communes à tous les peuples de la planète, indépendamment des différences culturelles, politiques, sociales ou économiques. Parmi ces valeurs essentielles : l’inviolabilité de la dignité humaine, le respect des droits de l’homme, la justice sociale et la responsabilité individuelle des citoyens.

Aujourd’hui, l’Afrique se trouve confrontée à de nombreux défis qui rendent son avenir compliqué, dont notamment la démocratie. Alors pourquoi la démocratie semble poser problème dans un bon nombre d’Etats africains ?

La question de la démocratisation des pays africains génère des débats intenses depuis des décennies.  D’un côté, il y a les avocats indéfectibles de la démocratie, qui estiment que cette dernière n’est pas négociable. De l’autre, on  trouve les partisans des modèles de développement autoritaires à l’image de la trajectoire empruntée par Lee-Kuan Yew à Singapour, les nouveaux pays industrialisés (NPI) de l’Asie du sud-est, ainsi que certains d’Amérique latine comme le Chili, le Mexique et l’Argentine.

En Afrique, le processus de démocratisation de l’Afrique est marqué depuis les années 90 par un élan de démocratisation traversant presque tout le continent. De nouvelles constitutions ont été adoptées consacrant le pluralisme politique, la proclamation des droits de l’homme et l’émergence d’une multitude d’associations appartenant à la société civile.

Partout, cependant, un processus démocratique est à l’œuvre, qui s’incarne dans des mouvements, des associations, des intellectuels, plus que dans les institutions.

Certains pays africains ont accompli des progrès significatifs sur la voie de la démocratisation, mais l’expérience est encore jeune et fragile, donc réversible. Les résistances rencontrées démontrent que les perspectives prometteuses que l’ouverture démocratique avait laissé entrevoir au début des années 1990 semblent être dans une impasse préoccupante.

Certes, l’Afrique est devenue un vaste chantier constitutionnel depuis le début des années 1990. Mais l’apprentissage de la démocratie demande du temps et doit encore vaincre des résistances multiformes. L’État de droit est mis à mal dans certains pays par des velléités de retour à l’autoritarisme, les expériences sont fragilisées par la persistance de conflits armés et des coups d’États, ainsi que des élections mal préparées ou manipulées qui ont fait sombrer plus d’un pays dans la tourmente.

Ainsi, l’Afrique se retrouve à un nouveau palier de son évolution politique. «La démocratisation par l’élection», principal acquis des mobilisations des forces pro-démocratiques au début des années 1990, a montré ses limites, avec notamment l’instrumentalisation des scrutins par les gouvernements en place.

Pour l’analyste Vincent Hugeux «l’élection ne fait pas la démocratie. Laquelle suppose un système éducatif efficace, une justice indépendante, une administration impartiale, une presse libre, le respect du droit des minorités et un minimum de sécurité, physique comme alimentaire».

De même, la démocratie électorale n’est donc pas synonyme de réussite économique. Au contraire, même : pour des États en construction, comme ceux d’Afrique, la démocratie électorale peut plutôt promouvoir la corruption, le clientélisme, voire la fragilisation de ces États. Il en résulte une mauvaise allocation des ressources vers les activités non productives, laquelle freine le développement économique.

Dans  ce cadre, le sociologue Alain Touraine estime que  le développement n’est pas la cause, il est la conséquence de la démocratie.

Ainsi, dans plusieurs pays africains, les gouvernements se sont révélés incapables de satisfaire les demandes des populations. L’euphorie a alors cédé la place à la désillusion et à la frustration. C’est dans ce contexte social que les coups d’État militaires font  de nouveau irruption un peu partout sur le continent africain. L’incapacité des gouvernements démocratiques à promouvoir le développement économique et à faire respecter l’ordre et la loi est le principal argument invoqué par les juntes militaires. Samuel Huntington avait pourtant averti dès 1991 que les problèmes qui affecteraient à l’avenir les rapports entre les gouvernements civils et l’armée dans les jeunes démocraties viendraient plus probablement des civils que des militaires.

Au regard de ce qui précède l’Afrique a plusieurs défis à relever en matière de démocratisation. Dans son ouvrage  «Quelle Démocratie pour l’Afrique? »  Tshikala K. Biaya soulevait les défis suivants pour la réussite de la démocratie en Afrique :

  • Les nouvelles constitutions des pays démocratiques sont rarement tournées vers l’avenir; elles sont dirigées contre le retour du dictateur sacrifiant ainsi les possibilités d’ériger un État de droit démocratique, qui relèvera les défis du siècle et défendra les conditions locales dans la globalisation ;
  •  La question des minorités n’est jamais arrimée aux grandes questions de la démocratie : les Banyamulenge, les Peuls et Toubou (Niger), la Casamance (Sénégal), les Twa au Rwanda et Burundi, etc. Beaucoup de constitutions ne protègent pas les minorités, notamment les femmes et les enfants, et la situation est pire si ces derniers sont illettrées en langue officielle (français, anglais, arabe, espagnole ou portugais);
  •  l’expérience du Parlement européen devrait nous aider à penser à des parlements régionaux et sous-régionaux, comme l’indiquent déjà les dernières initiatives de la CEDEAO et de l’UEMOA. Ce parlement se donnerait comme le lieu d’un exercice politique supranational pour nos «politiciens» méritants après leur mandat. Cette option si elle ne supprime point la «peur de la perte du pouvoir qui est une caractéristique des leaders africains» au moins elle aura aidé à établir un garde-fou et à recourir à l’expérience des «anciens» modernes pour consolider les institutions démocratiques. Cette pratique créera une classe de «personnalités éminentes» que l’UA pourrait utiliser dans son mécanisme de prévention, gestion et résolution des conflits au niveau continental.

En guise de conclusion la base de la démocratie, ce qui la fait vivre, ce qui lui confère légitimité et efficacité, c’est le débat citoyen, la délibération. Dans son ouvrage,  l’analyste Hervé Kempf estime que «Le cœur de la démocratie n’est pas le vote, mais la délibération, par laquelle, nous apprenons les uns des autres». La délibération s’enrichit de la diversité, les échanges font partager des conceptions du bien commun différentes. La délibération favorise la rationalité avec des prises de position et décisions réfléchies.

Bref, « Lorsque le débat est perdu, la calomnie devient l’outil du perdant.  » Socrate.

Pour aller plus loin :   

-Alain Touraine «Qu’est-ce que la démocratie» Editions Fayard, Paris, 1994.

-BIAYA, T.K «Quelle démocratie pour l’Afrique? Réflexions sur ses possibilités et ses caractéristiques» UNFAN, Dakar, 1999.

-Hervé Kempf «L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie» Editions Seuil, Paris 2010.

Vincent Hugeux «Afrique : le mirage démocratique» Editions C.N.R.S,  2012.

-Pierre Jacquemot «De l’élection à la démocratie en Afrique (1960-2020)» Éditions Fondation Jean-Jaurès,  Paris, 2020.

-Samuel Huntington «Troisième vague : les démocratisations de la fin du XXe siècle»  Editions Nouveaux Horizons, Paris, 1996.

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