Le terme «mondialisation» est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Elle suscite de nombreux débats et controverses. Les uns se félicitent des effets positifs et appellent à toujours plus de mondialisation, les autres dénoncent ses conséquences néfastes et luttent pour l’empêcher d’advenir. Depuis peu, les inquiétudes se généralisent, touchant jusqu’aux plus fervents défenseurs de la mondialisation. Alors qu’est ce que la mondialisation ? Quelles sont ses conséquences ? Favorise-t-elle le développement et la réduction des inégalités dans le monde ? Est-elle un facteur de paix ou de conflits?
La mondialisation désigne généralement l’ouverture des frontières internationales aux échanges commerciaux, à l’immigration, à l’investissement direct, à l’information et aux technologies. Les organisations internationales comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’Organisation Mondilale du Commerce s’emploient à promouvoir les bienfaits de la mondialisation et à faire face aux risques auxquels elle expose les économies du monde, notamment des pays en voie développement.
En effet, si le terme anglais de globalization a été repris par la plupart des langues, le français recourt à deux mots : « globalisation » et « mondialisation ». Cette distinction, dans les faits, n’est pas neutre. Pour certains spécialistes ces deux expressions peuvent être utilisées indistinctement. Pour d’autres, en revanche, ces deux termes ne sauraient se confondre car ils sous-tendent des approches différentes. Le terme « mondialisation » serait plus réducteur, en ce sens qu’il ne rendrait pas compte du caractère nouveau de l’actuel processus. Car, la mondialisation n’est pas en soi un phénomène inédit. Elle plonge ses racines dans l’histoire, avec des civilisations très anciennes qui avaient déjà su, en leur temps, développer largement l’activité commerciale. Dans ce contexte, le terme « globalisation » traduirait donc plus fidèlement la nouvelle réalité, selon laquelle l’accélération du progrès technique ainsi que la croissance des échanges commerciaux et des flux financiers se conjugueraient pour une intégration toujours plus poussée des marchés.
Comprise comme un processus qui transforme le monde en « village global », la mondialisation « exprime le stade de développement planétaire sans barrières où tout est proche, accessible, où tout communique et où, par conséquent, les solidarités et les interdépendances s’accroissent ».
Par ailleurs, la mondialisation contemporaine s’est établie de manière universelle, à partir de la moitie de 1970 avec le développement du projet économique néolibéral qui trouve ses origines en particulier dans le colloque Lippmann (1938) et la création d’institutions qui en constituent les conditions de possibilité: accords de libre-échange, FMI, Banque mondiale, OMC.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, le discours néolibéral devient dominant et exclusif. Pour les théoriciens de cette relance du libéralisme, l’effondrement du monde communiste apparaît comme la confirmation historique du bien fondé de leur doctrine. C’est « la fin de l’histoire » et rien ne peut aller au-delà car le capitalisme semble avoir triomphé.
Les conséquences les plus visibles de la mondialisation actuelle sont sans doute celles qui touchent au monde économique. Le processus de mondialisation a ouvert la voie à de nombreux avantages et il dégage des possibilités de développement économique et de croissance partout dans le monde, en ouvrant les frontières et en supprimant la distance et le temps. Toutefois, les effets positifs de la mondialisation ne doivent pas cacher une série de menaces: dégradation de la cohésion sociale, changements environnementaux, hégémonie de la sphère financière, surendettement des pays en voie de développement… etc.
En dépit des effets de la mondialisation, la dure réalité est celle d’inégalités dramatiques entre les pays, entre les peuples, entre les individus. Malgré la croissance, l’inégalité a gardé son caractère mondial et régional, la pauvreté dans le monde est loin de reculer.
Toutefois, la mondialisation telle qu’elle existe aujourd’hui ne se réduit pas à ses effets économiques, mais elle a aussi des effets sociaux, écologiques et culturels très négatifs. Le travail a cessé d’être un droit. Il est devenu, ces dernières années, une situation à conquérir. Au Sud, le travail se fait trop souvent dans des conditions inhumaines, pour un salaire misérable. Et cela dans un contexte où les firmes multinationales n’hésitent pas à profiter du fait que, dans de nombreux pays, le droit des travailleurs et les libertés syndicales sont souvent inexistantes. Dans de nombreux cas, le plus bas salaire devient la norme et le droit au travail, l’ennemi à abattre. Aussi la mondialisation néolibérale ne se développe évidemment pas sans coûts environnementaux. Les changements climatiques en sont une manifestation.
De même, la mondialisation condense les inquiétudes et provoque parfois de violentes crispations identitaires.
Ainsi, le nationalisme, le régionalisme et l’intégrisme sont devenus une réponse aux bouleversements imposés à des populations et à des systèmes économiques qui se trouvent marginalisés.
Dans ce sens, la réponse de l’économiste américain Joseph Stiglitz est nette. « Aujourd’hui, la mondialisation, ça ne marche pas. Ça ne marche pas pour les pauvres du monde. Ça ne marche pas pour l’environnement. Ça ne marche pas pour la stabilité de l’économie mondiale ».
Pour conclure, il est important de souligner que la mondialisation actuelle appelle des régulations, comme l’a rappelé Jacques de Larosière: « Dans un monde globalisé, les dangers aussi sont globaux : ceux de la pollution de l’atmosphère, ceux des épidémies, ceux des dévaluations compétitives, etc. Ce monde requiert donc des règles et une surveillance effective qui s’applique aux forts comme aux faibles. Tel est le défi du XXIe siècle».
Des références pour aller plus loin :
– Christian Cauvin « Au delà de la mondialisation, construire le mode de demain » Editions l’Harmattan, Paris 2016.
– Daniel Cohen «Trois leçons sur la société post-industrielle» Éditions du Seuil, Paris, 2006.
– Francis Fukuyama « La fin de l’Histoire et le dernier homme », Editions Flammarion, Paris, 1992.
– Guy Caron de La Carrière, In Pascal Lorot (dir.) « Dictionnaire de la mondialisation », Editions Ellipses, Paris, 2001.
– Jacques de Larosière « Implications de la mondialisation » in Rapport moral sur l’argent dans le monde. L’éthique financière face à la mondialisation, Editions Montchrestien, 1997.
– Joseph Stiglitz « La grande désillusion » Editions Fayard, Paris, 2002.
– Jean Fourastié « Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de 1946 à 1975 » Editions Fayard, Paris, 1979.