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Islam et capitalisme

La question du rapport entre l’islam et le marché n’est pas nouvelle. Cherchant à expliquer le retard économique des pays musulmans, de nombreux analystes ont exploré les liens de causalité éventuels entre islam et sous-développement. Alors pourquoi le capitalisme s’est-il développé tardivement dans le monde musulman ? Ce fait historique a engendré le préjugé que l’islam serait un frein au développement du capitalisme. Cet article a pour objectif de traiter le rapport et Islam et capital/islam  en s’appuyant sur les analyses de deux grands auteurs. Il s’agit  de l’historien et sociologue français Maxim Rodinson et  de l’économiste américain Timur Kuran.

I) Maxim Rodinson

Le sociologue et historien français Maxime Rodinson dans son œuvre magistral « Islam et capitalisme »  a démontré  que détenir des biens et prospérer n’est incompatible ni avec les sociétés arabes, ni avec l’islam. La piété est le seul critère de supériorité aux yeux de Dieu, mais l’enrichissement n’est pas remis en cause. Avant l’avènement de l’islam, les Arabes et les Mecquois étaient connus pour être de grands commerçants. Le prophète Mohammed a d’ailleurs été l’époux de la riche Khadija, dont les affaires étaient prospères. Elle l’avait recruté et les qualités commerciales du futur prophète de l’islam retinrent son attention. Ainsi, avant d’être un prophète, Mohammed a été un commerçant. Mais l’enrichissement n’est pas remis en cause. Avant l’avènement de l’islam, les Arabes et les Mecquois étaient connus pour être de grands commerçants.

Rodinson  a souligné également que ces sociétés ont plutôt intérêt à développer les richesses : le troisième pilier de l’islam est la zakat, un impôt annuel obligatoire versé sous des conditions de revenus par chaque musulman aux nécessiteux. « S’enrichir par le bien et le partage est islamique (…). Ce qui est en revanche interdit, ce sont les pratiques frauduleuses (…), vendre, acheter des substances illicites comme le vin et le porc (…) spéculer sur des biens communs telles que l’eau (…) les denrées alimentaires (…) l’accaparement ou encore la vente aux enchères quand le vendeur ne sait pas quel prix il tirera de son produit, par exemple ». Mais ces interdictions sont vues comme des pratiques « entravant le libre jeu d’une économie libérale » par l’Europe et les États-Unis, puissances impérialistes au cœur du développement du capitalisme.

 De même, Rodinson a critiqué tout au long de son parcours une représentation biaisée de l’islam et des musulmans ; pour autant, il n’idéalise pas les États musulmans et nuance l’idée, répandue cette fois parmi les musulmans, que l’islam règlerait les problèmes – y compris économiques – et pour cause : « Ce n’est pas le Coran qui façonne la société mais la société qui puise dans le Coran ce qui peut lui correspondre. » Il confronte ici les principes prônés par l’islam à la réalité : « la justice que recherchaient les musulmans les plus soucieux de rester fidèles à l’idéal coranique (…) : un État dirigé selon les principes de Dieu traitant tous les croyants à égalité (…) pratiquant une entraide aux frais des plus fortunés et au bénéfice des plus pauvres ». Pourtant, dans les sociétés musulmanes, des patrons exploitent leurs employés et des propriétaires spolient ceux avec qui ils détiennent un contrat comme au Pakistan et en Arabie saoudite, pays fondés sur l’idéologie islamique où les inégalités, le non-respect des droits fondamentaux sont flagrants.

II) Timur Kuran

Pour Timur Kuran, économiste américain (d’origine turque), ce sont les coutumes sociales et les règles religieuses des premiers temps de l’islam qui sont en cause. Il n’a pas ’insisté sur l’interdiction par le Coran du prêt à intérêt, contournée depuis longtemps et qui n’a pas empêché l’émergence récente d’une puissante industrie de la finance islamique : des centaines de banques et de fonds d’investissement prétendent aujourd’hui être «conformes à la charia». Mais il a estimé en revanche que les pratiques ancestrales des affaires et de l’héritage ont freiné l’émergence de grandes entreprises industrielles, comme General Electric, General Motors ou IBM. A l’époque médiévale, les partenariats commerciaux étaient la principale forme d’activité au Moyen-Orient.


Ces constructions juridiques, qui permettaient aux commerçants d’amasser des fonds pour les expéditions lointaines, ont été pendant des siècles en avance sur leur temps. Mais elles se sont révélées mal adaptées à la création d’actifs durables, comme les usines et les chemins de fer. Dans un partenariat islamique, tout associé peut en effet sortir de l’affaire lorsqu’il le désire, et le décès de l’un d’entre eux suffit à remettre en question toute l’opération. Voilà pourquoi la plupart des entreprises créées par ce biais ont été faibles et peu durables. Au XIX siècle, les entités commerciales les plus solides dans les pays islamiques émanaient presque toutes de non–musulmans, tels que les Arméniens et les juifs. «Avant le XX siècle, a noté Kuran, la région n’a pas produit un seul cas de mobilisation financière privée massive, sauf lorsque les étrangers étaient impliqués.» Le Coran a imposé aussi de partager au moins les deux tiers de la fortune des défunts entre les membres de leur famille. Combinée à la forte incidence de la polygamie chez les plus riches, cette règle d’héritage égalitaire a, certes, évité aux sociétés islamiques d’évoluer vers des systèmes féodaux. Mais elle a aussi nui à la pérennité des entreprises locales. Le résultat, c’est que le Moyen-Orient a été très lent à développer les outils du capitalisme, comme les marchés boursiers. Et qu’il a laissé s’installer de lourdes bureaucraties, qui découragent encore aujourd’hui l’innovation. «Même si, par magie, tous les régimes autocratiques de la région tombaient, le secteur privé et la société civile ne reprendraient pas leurs droits avant des décennies», a conclu Kuran.


Conclusion :

L’opposition fondamentale de l’Islam au capitalisme est un mythe. Sur le plan théorique, la religion musulmane n’élève aucune objection contre le mode de production capitaliste. Au Moyen Age, il est vrai que c’est développé certaines mesures d’interdiction de certaines pratiques économiques particulières indispensables à la formation du système économique capitaliste moderne et qui sont déjà plus ou moins une entrave au développement d’un secteur capitalistique. Ainsi rien n’indique de façon contraignante que la religion islamique ait empêché le monde musulman de se développer dans la voie du capitalisme moderne. Il existait même dans les sociétés préislamiques un système capitaliste fort qui n’a pas rencontré de limitation fondamentale avec l’apparition de l’Islam. La perpétuelle quête de justice sociale s’est avéré être un échec et l’alliance entre principes capitalistes et idéal social n’a pu être que théorisé sans trouver d’application concrète dans la sphère économique contemporaine. On tend donc à s’éloigner du point de vue Wébérien qui attribue à la rationalité spécifique de l’Européen le développement du capitalisme moderne en Europe et en Europe seulement.

Face à une mondialisation de plus en plus accu de la sphère économique, les pays musulmans ont dû s’adapter aux nouvelles réalités économiques et abandonner leur idéal de justice sociale plus utopique que réaliste.

Pour aller plus loin

 -Benmansour H «Politique économique en Islam » Edition Al Qualam Novmbre 1994.

 -Brahimi A «Justice sociale développement en économie islamique»  Edition Pensée Universelle Paris 1993.

  -Garaudy R  «Réflexion sur une économie islamique » Edition CMER 1984.

 -J. Coulson N «Histoire du droit islamique » Edition PUF traduit de l’anglais par D. Anvar.

  -Merad A  «L’islam contemporain» Collection Que sais-je ? Edition PUF 6eme 2002.

 – Rodinson M  «Islam et capitalisme» Edition du Seuil Paris 1966.

 – Schulze R  «A modern history of the Islamic world » Edition New York University Press 2000.

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