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La Chine et le droit international

Le droit international public régit principalement les relations entre États, sujets premiers et principaux de cet ordre juridique, afin notamment d’encadrer et de réguler ces rapports internationaux. Le droit international public impose en ce sens un certain nombre d’obligations, de droits, de principes juridiques en matière de reconnaissance (d’État et de gouvernement), d’immunités (des États, des organisations et de leurs agents respectifs) ou quant à la délimitation et au régime juridique applicable à certains espaces (maritime, aérien, extra-atmosphérique) et à certaines voies de circulations et/ou ressources naturelles (canaux, fleuves, lacs internationaux) par exemple. De même, l’interdiction du recours à la force, le principe du règlement pacifique des différends internationaux et la responsabilité internationale ont largement contribué à une pacification des relations entre États, mais le maintien de la paix et de la sécurité internationales a été, dans une large mesure, confié à l’Organisation des Nations Unies, donnant ainsi une place de premier plan dans les rapports internationaux à l’organisation universelle.

En Chine la politique étrangère s’est transformée depuis l’ascension de Xi Jinping, d’abord comme secrétaire général du Parti communiste chinois, puis comme président de la République populaire de Chine.

Le nouveau dirigeant chinois a décidé de mettre fin à une phase de discrétion ou de « profil bas », entamée par Deng Xiaoping  (1904 -1997) et qui a longtemps caractérisé son État. L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013 marque le début d’une nouvelle ère pour la Chine et, à n’en pas douter, pour l’ordre international lui-même.

Après une période d’affirmation politique et économique, grâce à l’ancrage du parti communiste chinois et à la mise en place d’un capitalisme aux allures atypiques, le dirigeant chinois rêve dorénavant d’une Chine ambitieuse sur le plan international. La Chine est désormais conquérante. Et pour ce faire, les initiatives se multiplient. Celles-ci peuvent se prêter à différents regards : le regard de l’économiste, du politologue, mais aussi du juriste. Le présent volume de L’Observatoire des Nations Uniesse propose ainsi de mettre en évidence cette affirmation internationale de la Chine du point de vue du droit international.

En tant qu’acteur majeur des relations internationales, la Chine cherche dorénavant à imprimer sa vision du monde sur l’ordre international et à s’imposer comme nouveau leader de la mondialisation. Pour cela, elle recourt constamment au droit international. Et en raison du réveil spectaculaire de sa politique étrangère, elle essaye de confirmer, d’ajuster ou de renverser l’ordre juridique établi à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Partant, le droit international se présente comme une boîte à outils essentielle pour l’affirmation de sa diplomatie de même qu’un instrument capital, lui permettant de se forger une place qu’elle veut importante dans l’ordre international. De ce point de vue, sa pensée sur le contenu et la direction du droit international, ainsi que les implications de celle-ci sur la gouvernance mondiale, visent manifestement à influencer divers domaines qui sous-tendent d’ailleurs ses implications multilatérales et bilatérales.

Pourtant, dans le même temps, la Chine se heurte nécessairement à certains obstacles. Le droit international ne peut être considéré seulement comme un instrument de sa nouvelle politique. Il est aussi une contrainte pour la Chine. Le droit international, en tant que droit de la coexistence des souverainetés et de la coopération interétatique, opère comme un catalyseur des ambitions chinoises.

Sur le plan du droit international économique, la Chine étant devenue une puissance économique majeure du XXIème siècle, plusieurs transformations sont à l’œuvre. À titre illustratif, elle a lancé, en 2013, depuis Astana au Kazakhstan, les nouvelles routes de la soie avec le slogan «One Belt, One Road». Ce programme de co-développement se concrétise par des investissements dans les infrastructures de transport et a pour objet initial de connecter l’économie chinoise aux continents européen et africain. Plus les années passent, plus le projet devient prolifique : de nombreux secteurs sont concernés et le flux d’investissement y est massif. Par ailleurs la Chine cherche également à développer son influence dans l’arène des institutions internationales économiques, notamment dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) où elle s’érige en garante potentielle du multilatéralisme. Et cela même si dans le cadre de la création de la Banque asiatique pour les investissements dans les infrastructures, elle n’a guère hésité à contourner sans scrupule les institutions existantes.

Bref, la Chine investit pleinement le champ du droit international économique. Toutefois, elle se voit rattraper, à certains égards, par ses propres engagements. La Chine fait l’objet de contentieux importants à l’OMC par exemple. Et son actuel conflit avec les États-Unis s’avère menaçant pour le système commercial multilatéral dans son ensemble.

En droit international des droits de l’homme, le particularisme chinois est manifeste. Outre le reproche qui lui est souvent adressé au sujet des violations systématiques des droits de l’homme, la Chine peine en général à redorer son image devant les organes de contrôle desdits droits. Au demeurant, il serait intéressant de chercher à comprendre l’approche chinoise du droit international des droits de l’homme ainsi que le cadre de dialogue qu’elle entretient avec les mécanismes internationaux de contrôle desdits droits.

La Chine est également un acteur environnemental essentiel. Dans la mesure où elle est l’un des États les plus pollueurs de la planète, sa participation à la formation du droit international de l’environnement est décisive. Cela s’est particulièrement illustré par la prépondérance de son implication dans la signature de l’Accord de Paris sur le climat. Nonobstant cette volonté politique qui vise à placer la question environnementale au cœur de ses priorités, sa pratique semble toutefois jurer avec celle-ci. Et pour mieux saisir cette discordance, il serait intéressant de passer en revue la place marginale qu’elle réserve aux questions environnementales dans le cadre de ses différentes implications, notamment en matière d’investissement – et cela sans pour autant oublier le laxisme manifestement apparent qui guide sa politique interne à ce sujet, ne serait qu’à voir la dégradation continue de son environnement notamment par l’effet des déserts de poussière.

Quant au maintien de la paix et de la sécurité internationale, la puissance chinoise s’impose ici de façon de plus en plus prégnante.

L’utilisation du «droit de veto» au Conseil de sécurité des Nations Unies peut être significative (le cas de la Syrie). Il en est de même de sa participation, directe ou indirecte, aux opérations de maintien de la paix (OMP).

De plus sur ces questions de paix et de sécurité internationales, son leadership n’est plus à contester dans certaines régions – ne serait qu’à voir la place incontournable qu’elle occupe dans la gestion de la crise coréenne. Cependant, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la stratégie de la Chine peine encore à se préciser au niveau multilatéral. Sans doute tente-t-elle de contenir ce fléau sur les plans interne et bilatéral par le biais de patrouilles conjointes et d’actions communes initiées au sein de l’organisation de coopération de Shanghai (OCS), mais il n’en reste pas moins qu’elle a une conception singulière du terrorisme.

Outre les domaines cités ci-dessus, qui ne sont nullement exhaustifs, le couple «Chine et Droit international», auquel l’Observateur des Nations Unies à dédier un numéro spécial (juin 2019) influence divers domaines de l’ordre juridique international. Conformément aux orientations données dans le cadre de cet appel, les contributeurs sont ainsi invités à s’interroger sur une thématique spécifique, notamment en vue d’appréhender le double caractère instrumental et contraignant du droit international – le droit international est à la fois un moyen et une limite – pour la Chine et sa nouvelle vision du monde.

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