«Chaque génération doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir
ou la trahir» Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre.
Quelques données pour commencer. En un siècle (1950–2050) la population de l’Afrique passera, en effet, de 228 millions d’habitants à 2,435 milliards selon les projections actuelles de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Cette évolution démographique, exceptionnelle par son ampleur et sa rapidité, représente un des défis majeurs pour le développement économique et social du continent. Alors devant ce fait, Qu’est-ce que la jeunesse ? Quels sont ses défis et ses opportunités en Afrique?
I) Définition de jeunesse
Définir la jeunesse est une condition préalable à l’analyse de la participation et de la représentation des jeunes dans la vie sociale et politique d’un État.
Il convient d’observer qu’il n’existe pas de définition universelle de la notion de «jeune» généralement admise sur le début et la fin de la jeunesse.
Pour l’ONU, est considéré de façon universelle et conventionnelle comme jeune, toute personne dont l’âge varie entre 15 et 24 ans, cette définition semble ne pas correspondre aux réalités sociales et sociologiques en Afrique. C’est la raison pour laquelle, la charte africaine de la jeunesse de l’Union Africaine (UA) définit la jeunesse, comme la frange de la population africaine dont l’âge est compris entre 15 et 35 ans.
En Afrique, cette frange de la population est la plus importante au monde et celle qui augmente le plus rapidement. Plus de 20 % de la population africaine a entre 15 et 24 ans et puisque plus de 40 % de la population africaine a moins de 15 ans, on doit s’attendre à ce que ce chiffre augmente de façon notable dans les années à venir. Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), les jeunes peuvent représenter jusqu’à 36 % de la population totale en âge de travailler et 3 personnes au chômage sur 5 en Afrique sont des jeunes.
C’est un enjeu de taille. Déjà, 60 % des jeunes Africains seraient sans emploi. Et chaque année, plus de 10 millions de jeunes actifs entreront sur le marché du travail.
II) La jeunesse africaine, un acteur incontournable du développement
L’Afrique est aujourd’hui un continent d’1,3 milliard d’habitants. Cette importante démographie africaine est source d’opportunités et de défis, notamment en ce qui concerne les services, l’éducation et l’intégration des jeunes dans la vie économique et sociale. Elle constitue un atout considérable puisque la jeunesse est en mesure de fournir à l’économie une force de travail majeure au sommet de sa capacité productive.
Ainsi, le premier défi est celui posé par l’arrivée sur le marché du travail de jeunes diplômés, dont seule une partie trouvera un emploi. On estime 200 millions de jeunes âgés de 18 à 25 ans qui sont en situation de chômage. En 2050, cette proportion sera de 42%. Et, chaque année, entre 12 et 15 millions rejoignent le marché du travail. Il en résulte un profond malaise parmi les jeunes, ayant souvent un emploi sous-qualifié par rapport à leur diplôme.
Toutefois, il convient de distinguer entre la région de l’Afrique du nord et de l’Afrique subsaharienne. En Afrique du nord, la prévalence du chômage des jeunes est très élevée, puisque plus d’un tiers de la jeunesse est sans emploi. En revanche, en Afrique subsaharienne, c’est la prévalence de la pauvreté qui atteint des sommets, car 70% des jeunes vivent avec moins de 3,1 dollars par jour
Pour cette raison, beaucoup de jeunes africains, (exemple le Maghreb) veulent entrer dans la fonction publique, et les familles investissent en espérant qu’ils obtiendront de postes dans l’administration publique. Mais il y a de moins en moins d’emploi de fonctionnaires. L’absence de débouché produit une énorme déception. Autre conséquence, cela freine l’innovation.
Toutefois, en Tunisie, la culture entrepreneuriale est relativement plus développée par rapport aux autres pays de l’Afrique du Nord, les jeunes tunisiens de plus en plus s’en lancent dans l’entrepreneuriat.
III) L’entreprenariat des jeunes est clé
Dans le monde entier, et évidemment dans tous les pays africains, les emplois et les perspectives d’emploi des jeunes occupent toujours les premiers rangs des programmes de développement. En 2050, 29% de la population totale des jeunes du monde vivront en Afrique. Pour les pays africains, les jeunes représentent à la fois un défi mais aussi une énorme potentialité, surtout en ce moment où les populations des autres parties du monde sont vieillissantes. Bien qu’à la recherche d’emplois, les jeunes sont aussi essentiels à leur création.
Dans ce contexte difficile, il est essentiel de mettre en œuvre en Afrique des stratégies visant à stimuler la créativité, de fournir aux jeunes une éducation de qualité orientée vers les besoins du marché mondial, de développer leurs compétences et d’inculquer aux jeunes la culture de l’entrepreneuriat.
Dans son excellente étude «La jeunesse africaine face à l’entreprenariat : enjeux et défis», l’universitaire béninois Armand Akpa a réussi à démontrer que la solution pour juguler le problème du chômage des jeunes passe en très grande partie par l’entreprenariat. Sur la question, des avancées considérables ont été faites pour encourager l’entreprenariat des jeunes en Afrique mais ces derniers restent encore confrontés à de nombreux obstacles.
Parmi ces obstacles, on peut citer : l’attitude de la société à l’égard de l’entrepreneuriat, le manque de compétences, l’insuffisance de la formation à l’esprit d’entreprise, le manque d’expérience professionnelle, l’absence de fonds propres, l’absence de contacts et barrières inhérentes au marché, les formalités plus lourdes et plus longues, le coût de démarrage, le capital minimum obligatoire et le manque d’accès aux informations particulièrement pertinentes pour les activités entrepreneuriales.
Pour surmonter ces obstacles, Armand Akpa préconise pour réduire le chômage des jeunes, la promotion de l’entrepreneuriat, dont celle agricole moderne, qui peut être une source stable d’emploi dans les économies fortement dépendantes de l’agriculture à court et moyen terme.
Ainsi, il est primordial de mettre en place des politiques publiques pour renforcer davantage les activités entrepreneuriales des jeunes essentiellement dans les technologies de l’information.
Aujourd’hui, l’avenir de la jeunesse africaine n’est ni de finir noyée dans le cimetière de la Méditerranée à la recherche d’un eldorado européen, ni son exploitation. L’avenir de la jeunesse africaine, c’est l’entrepreneuriat et l’engagement public pour changer les politiques publiques et transformer la gouvernance africaine en vue de construire un avenir durable et une société sans pauvreté.
Conclusion
En guise de conclusion la jeunesse africaine d’aujourd’hui représente l’Afrique de demain. Il est donc inconcevable de vouloir penser l’avenir de l’Afrique sans tenir compte des réalités auxquelles cette jeunesse est, de nos jours, confrontée.
Unir les forces à ce niveau n’est pas seulement souhaitable, c’est impératif.
Pour aller plus loin:
-Armand Fréjuis AKPA «La jeunesse africaine face à l’entreprenariat : enjeux et défis» Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, Université d’Abomey-Calavi, Bénin ,2019.
-Moussa Mara «Jeunesse africaine: Le grand défi à relever» Éditions Mareuil, Paris, 2016.
–Jean-Michel Severino et Olivier Ray «Le Temps de l’Afrique» Editions Odile Jacob, Paris 2010.
–Tidiane Diakité «Appel à la jeunesse africaine» Éditions l’Harmattan, Paris, 2001.