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La sécurité alimentaire est un enjeu de souveraineté pour l’Afrique Par Abdeljalil Aboulmajd

« L’homme qui a faim n’est pas un homme libre » Félix. Houphouët-Boigny.

La crise sanitaire, suivie de la guerre en Ukraine, a durement impacté l’économie mondiale. La croissance a reculé et l’inflation a explosé. Les pays développés ont résisté à ces chocs alors que ceux de l’Afrique continuent d’en souffrir. Le fossé s’est ainsi creusé entre les pays riches et les pays pauvres.

Dans ce contexte la sécurité alimentaire est mise à rude épreuve. Changement climatique, augmentation démographique et épuisement des ressources naturelles viennent faire vaciller les efforts mis en œuvre pour lutter contre l’insécurité alimentaire et les problèmes de nutrition. Les questions auxquelles nous essaieront de répondre sont les suivantes : Qu’est -ce que la sécurité alimentaire ? Qu’est-ce que la souveraineté alimentaire ? Pourquoi la sécurité alimentaire est un enjeu pour l’Afrique ?

I) Qu’est-ce que la sécurité alimentaire ?

Le droit à l’alimentation est reconnu par la charte universelle des droits de l’homme des Nations Unies de 1948. Il s’inscrit aujourd’hui dans le cadre plus précis de l’alimentation durable et de la sécurité alimentaire et nutritionnelle définies par la FAO en 2010 et 2012. Ce droit se trouve implicitement présent dans la plupart des 17 objectifs de développement durable à l’horizon 2030 adoptés par l’Assemblée Générale des Nations Unies fin 2015.

Telle que définie par le Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale la sécurité existe lorsque « tous les êtres humains ont, à tout moment, la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. ». Elle repose en ce sens sur quatre piliers : l’accessibilité, la disponibilité, la qualité et la stabilité, du pouvoir d’achat notamment.

II) Qu’est-ce que la souveraineté alimentaire ?

La question de souveraineté alimentaire est au cœur des préoccupations des pays africains. La pandémie liée à la Covid-19 et la guerre en Ukraine ont mis à nu les fragilités des Etats africains en la matière. Une problématique saillante est ainsi apparue : la dépendance vis-à-vis de l’étranger, particulièrement en ce qui concerne le blé.

De façon générale, La souveraineté alimentaire peut se définir comme la faculté de déterminer librement pour un Etat ou un peuple ce qu’il doit produire sur le plan alimentaire. La notion établit un lien entre peuple souverain et production agricole. Le droit à l’alimentation peut se lire ainsi comme une manifestation du retour de l’État-nation souverain.

Par contre, la sécurité alimentaire serait de l’ordre du court terme. Il faut satisfaire les besoins immédiats et nutritionnels des populations, manger au quotidien à sa faim, boire une eau saine et de qualité, et se soigner. 

Mais en vérité, il n’y a pas de contradiction ou d’opposition entre les deux concepts, il y a plutôt une articulation voire une complémentarité entre les politiques de souveraineté et de sécurité alimentaire. On parlerait de sécurité/souveraineté alimentaire, pour monter qu’il ne peut y avoir l’une sans l’autre pour des soucis de cohérence d’une politique alimentaire et nutritionnelle globale.

Ainsi, en Afrique nourrir une population toujours plus importante impliquera la multiplication par trois de la production agricole africaine d’ici 2050.  Le lien étroit entre sécurité alimentaire et hausse des températures, ainsi que la capacité à faire face à la dégradation des écosystèmes, constituent dans ce siècle l’un des enjeux majeurs en Afrique.

Pour cela, il convient à la fois réduire les pertes et accroitre les rendements. Il est également essentiel de maintenir un mode d’agriculture à faible impact environnemental, non plus uniquement en limitant l’utilisation des pesticides ou des méthodes agricoles intensives, mais aussi grâce aux leviers que proposent dès aujourd’hui les nouvelles technologies.

Des solutions existent pourtant. Ainsi, pour affermir l’agriculture africaine, il convient de renforcer le droit de propriété, protéger les filières locales, instaurer de nouveaux mécanismes de financement, et investir dans les infrastructures. Autant de points pour lesquels l’intégration régionale peut apporter une réponse décisive.

III) La sécurité alimentaire : un enjeu stratégique

La lutte contre l’insécurité alimentaire constitue une priorité affichée en termes de droits humains, pour le développement et la stabilité du monde. En Afrique malgré les progrès réalisés dans de nombreux pays, l’Afrique reste le continent le plus affecté par l’insécurité alimentaire en termes de proportion de la population concernée. A n’en pas douter, la sécurité alimentaire sera l’un des grands enjeux du continent tout en long de ce siècle.

D’ailleurs, d’ici à 2050, 60 % de l’augmentation de la population mondiale se produira en Afrique, et le continent africain sera le seul dont la population rurale aura continué à croître (+ 35 %).   Le Nigeria pourrait compter 800 millions d’habitants à la fin du siècle. L’Afrique devra satisfaire une demande alimentaire qui sera supérieure de plus de 160 % à ce qu’elle est aujourd’hui.

Avec l’augmentation de la population d’ici 2050, le défi est de taille, si l’on en croit les chiffres communiqués par la BAD. A l’échelle mondiale, 828 millions de personnes souffrent de la faim, dont 249 millions, soit un tiers, se trouvent en Afrique. 

Bien qu’il dispose de 65% des terres arables restantes pour nourrir 9 milliards de personnes dans le monde d’ici 2050, le continent importe plus de 100 millions de tonnes métriques de nourriture pour un coût de 75 milliards de dollars par an. Pourtant, l’Afrique dispose d’un potentiel à la hauteur du défi. Elle importe jusqu’à 85 % de ses denrées, alors qu’elle dispose de plus de 700 millions d’hectares de terres arables non exploitées. Deux fois la superficie de la zone UEMOA… Elle a à sa disposition parmi les plus grands fleuves du monde (Nil, Congo), mais seulement 3 % de ses terres sont irriguées, contre plus de 20 % dans le monde. Son sous-sol regorge de très importants gisements de phosphates (Maroc, Sénégal, Togo, Algérie…), mais la consommation d’engrais y est dérisoire (13 kg par hectare, contre 190 kg en Asie de l’Est selon la FAO).

L’Afrique est la seule région au monde où la production agricole par habitant a baissé ces deux dernières décennies, avec des rendements à l’hectare en moyenne deux fois inférieurs à ceux des autres pays en développement. Une prise de conscience qui ne s’est cependant pas répercutée sur les budgets nationaux alloués à l’agriculture, les États d’Afrique ne consacrant en moyenne que 4 % de leurs dépenses publiques à ce secteur, contre 11 % à 14 % en Asie.

Les défis à relever sont donc à la mesure des dimensions du continent, immenses. L’agriculture en Afrique, c’est 65 % de la population active pour 32 % du PIB (source : Banque mondiale). Mais traditionnelle, éloignée des grandes aires urbaines, très peu mécanisée et souvent coupée des principaux circuits commerciaux, elle a les plus grandes difficultés à nourrir plus de 400 millions de citadins du continent. Quant aux campagnes, les conditions y sont si précaires que les populations, réduites à l’autarcie, sont irrémédiablement frappées de disette en cas d’adversité climatique et de mauvaises récoltes. Pour peu que l’instabilité politique s’y ajoute, la situation alimentaire peut alors devenir extrêmement critique.

Pourtant, l’agriculture, au sens large, occupe une place économique et sociale centrale, puisqu’il représente 32 % du PIB du continent et occupe près de 65 % de la population active. On estime également que 70 % des Africains vivent dans les zones rurales (soit près d’un milliard de personnes) et que 65 % des terres arables non exploitées du monde se trouvent en Afrique. Cependant, concrètement, aujourd’hui encore, les producteurs africains sont perdants quel que soit l’état du marché : s’il est trop haut, comme actuellement, le prix des intrants est inaccessible ; s’il est trop bas, leur production n’est pas compétitive.

Conclusion

Dans un monde de compétition de plus en plus acharnée, les Africains doivent avoir le courage d’innover ou d’accepter de périr sans gloire. L’Afrique ne peut s’épanouir réellement avec les vêtements des autres. L’Afrique doit reprendre la confiance en elle-même qu’elle a perdue il y a déjà trop longtemps, pour qu’elle puisse réécrire son histoire et retracer son avenir.

Pour aller plus loin :

-Hamid Aït Amara «L’agriculture africaine en crise»  Editions L’Harmattan , Paris 2010.

Hervé Bichat « Et si l’agriculture sauvait l’Afrique ?» Éditions Quae, Paris 2012.

Pierre Kipré et G-M Aké Ngbo «Agriculture et sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest – Bilan et perspectives»  Editions  L’Harmattan, Paris, 2012.

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