L’Afrique du Nord face aux défis du XXIème siècle
Aboulmajd Abdeljalil
Les mots clés
Afrique du Nord, défis, Égypte, Libye, Algérie, Tunisie, Maroc.
Introduction :
L’Afrique du Nord est parfois appelée « Afrique blanche », du fait que la majorité de sa population est composée de « race blanche ». Ce terme s’oppose à celui d’« Afrique noire », désignant l’Afrique subsaharienne. Friedrich Hegel l’appelait également «Afrique Européenne».
Espace historique de croisement de plusieurs populations, l’Afrique du Nord jouit d’un emplacement géographique stratégique. Elle s’étend sur un peu plus de 6 millions de Km²pour une population totale de 250 millions d’habitants en 2012. Bordée par la Méditerranée, le Sahara et l’Océan Atlantique, elle est composée par cinq pays : l’Algérie, la Libye, l’Egypte, la Tunisie et le Maroc.
L’Afrique de Nord est une terre dotée de ressources naturelles abondantes. Dans le sol égyptien, il existe de nombreuses ressources: Pétrole, Gaz, Or, Minerai de fer. Son économie repose aussi sur le commerce le long du canal de Suez, les devises des émigrés du Golfe et le tourisme.
L’Algérie et la Libye possèdent essentiellement les plus grandes réserves de pétrole et de gaz de la zone. La Tunisie est historiquement liée à l’agriculture et au tourisme, quant aux mines, le phosphate est l’une des principales richesses minières du pays. Le sous-sol tunisien est en outre doté en gaz naturel, fer, plomb, zinc et mercure. Le Maroc possède d’importantes réserves de phosphate et dispose d’une industrie phosphatière développée lui conférant les rangs de premier exportateur et de troisième producteur au niveau mondial. Le Maroc occupe également une place de choix au niveau mondial pour un certain nombre de substances minérales. Compte tenu de ses ressources, quels sont les enjeux géopolitiques de cette région. ? Quel sont les problèmes communs de l’Afrique du Nord ? Quels sont les principaux défis à relever pour ces pays ? Quel avenir pour l’Afrique du Nord?
Avant d’essayer de répondre à ces questions, il convient tout d’abord de donner un bref aperçu historique de l’Afrique du Nord.
I- Aperçu Historiques
Pour se projeter loin dans l’avenir, il faut donc prendre du recul et se replonger dans le passé. Comme dit un proverbe africain « Pour savoir où tu vas, regarde d’où tu viens ».
L’Afrique du Nord n’est entré dans l’histoire qu’avec les Phéniciens qui, originaires du Moyen Orient, ont fondu Carthage en 814 avant J.C. Ils ont établi des relations avec les populations locales, qui sont les ancêtres des populations actuelles Berbères.
Après les guerres puniques (264 à 146 av. J.-C) la partie Nord du continent africain entre dans l’empire romain), la méditerranée devient alors un Mare Nostrum homogène comme le montre les nombreux vestiges archéologiques de l’époque romaine. Le christianisme y fit son apparition, selon la légende, par saint Marc à Alexandrie en 60 et par le diacre saint Philippe en Ethiopie. En 400, 90% des Egyptiens sont chrétiens. Le grand théologien saint Augustin était évêque d’Hippone (354-430).
De même, les Vandales (429) et les Byzantins (533) pénétraient dans les côtes d’Afrique du Nord, mais leurs occupations étaient brèves dans le temps et dans l’espace.
Au VIIe siècle, l’Afrique du Nord subit les invasions arabes. Cette conquête est difficile et se limite à l’Ifriqiya des Romains. De là, les Arabes vont s’enfoncer vers le sud pour contrôler les routes du sel et de l’or à travers le Sahara qui devient alors une zone de contact entre les civilisations arabo musulmane au nord et animiste au sud.
Au XVIe siècle, l’expansion turco-ottomane subjugua toute l’Afrique du Nord avant de buter sur le Maroc qui réussit à maintenir son indépendance en s’alliant à l’Espagne chrétienne.
Durant la période coloniale, l’Afrique du Nord fut partagée entre quatre puissances européennes. Les Britanniques s’installèrent en Egypte afin de pouvoir contrôler le canal de Suez. Les Italiens disputèrent le vide libyen à la Turquie. Quant au Maghreb, il fut en totalité rattaché au domaine français, à l’exception de la partie espagnole du Maroc. L’Égypte recouvrit son indépendance en 1922, la Libye en 1951, la Tunisie et le Maroc en 1956, et enfin l’Algérie en 1962. En dépit d’une « arabité » postulée et d’une islamité commune, les cinq pays composant l’Afrique du Nord eurent ensuite des destins divers illustrés par l’épisode dit des «printemps arabes».
II- L’Afrique du Nord face aux défis du XXIème siècle
Le monde d’aujourd’hui est marqué par une instabilité et une imprévisibilité accrues générant des risques de conflits et d’escalade élevés. Au début du XXIème siècle, les pays d’Afrique du Nord sont en proie aux mêmes défis politiques, sécuritaires et socioéconomiques que le reste du continent africain.
a) Défis politiques et sécuritaire
Les pays du nord de l’Afrique font face à des défis politiques sécuritaires graves. L’augmentation des dépenses militaires complique probablement encore plus les efforts afin de surmonter ces défis.
Certes, les pays d’Afrique du Nord ne sont pas en guerre. Mais ils ne sont pas en paix. Sur un fond de rivalité stratégique entre l’Algérie et le Maroc, des conflits interétatiques et intra étatiques, ainsi que l’impact de l’extrémisme islamique, entraînent une militarisation persistante et un état d’alerte antiterroriste permanent. En Egypte, l’armée piétine dans le Sinaï face à la guérilla islamique, cependant des réseaux fondamentalistes sont actifs dans le reste du pays. La Libye est dévastée par une guerre de tous contre tous, résultat de la guerre faite à l’ancien régime par une coalition inspirée par la France. La Tunisie est coupée en deux, le centre et le sud étant islamistes, cependant que le nord s’accroche à l’héritage « laïc » légué par Bourguiba. L’Algérie, qui subit de plein fouet la baisse du prix du pétrole, risque de ne plus être bientôt en mesure d’acheter la paix sociale. Quant au Maroc, dernier pôle régional de stabilité, la question sociale y est porteuse d’orages. C’est donc toute l’Afrique du Nord, c’est-à-dire tout le flanc sud de l’Europe, qui est menacé d’embrasement.
La migration représente un autre défi important. Un grand nombre des jeunes les plus ambitieux et les plus entreprenants de l’Afrique se sentent obligés d’émigrer. Aucun pays ne peut se permettre de perdre un tel potentiel.
De même, L’enjeu migratoire constitue un défi qui a des connotations politiques et économiques, car les risques créés par la pression démographique des pays maghrébins et de plus en plus des pays d’Afrique subsaharienne, affectent fortement les deux rives. Ensuite, l’insécurité de l’Afrique du Nord (l’exemple de la Libye le confirme) suscite des risques de déstabilisation et le développement du terrorisme est perçu comme une réelle menace pour l’Europe.
b) Défis socioéconomique
En Afrique du Nord, l’injustice sociale est à l’origine de tous les maux. Parmi les principales causes des soulèvements arabes, communément appelés « Printemps arabe » se trouvent donc une détresse socio-économique ainsi qu’une marginalisation de la jeunesse qui va au-delà d’une simple rébellion de jeunes éduqués contre les règles autoritaires imposées par les régimes autoritaires de l’Afrique du Nord.
En Afrique du Nord, le phénomène du chômage reste particulièrement prononcé. « Dans les 11 sous-régions du monde, le taux de chômage est le plus élevé en Afrique du Nord 12% », alerte l’Organisation Internationale du Travail (OIT) dans son nouveau rapport « Emploi et questions sociales dans le monde: Tendances 2020 ».
La croissance dans la région est trop faible depuis longtemps et n’a pas permis de créer suffisamment d’emplois. A 11 %, le taux de chômage est élevé, surtout pour les jeunes et les femmes .La pauvreté et les inégalités n’ont guère baissé depuis les soulèvements du monde arabe en 2011.
Aujourd’hui, le ralentissement économique, conséquence de l’épidémie du coronavirus, pourrait entraîner encore une augmentation considérable du taux de chômage des jeunes.
Ainsi la montée du chômage des jeunes en Afrique du Nord est une bombe à retardement, qui semble maintenant dangereusement proche de l’explosion.
Conclusion
L’Afrique du Nord est un enjeu géostratégique majeur au XXIe siècle avec d’importantes ressources non exploitées. L’Afrique du Nord via le Maghreb devant servir de pont entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne, est appelée, à se déterminer par rapport à des questions cruciales et à relever des défis dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu’il a eu à relever jusqu’à présent.
Aujourd’hui, l’heure est au réalisme. Chaque pays cherche à reformuler ses intérêts et à adapter son mode d’action à la nouvelle donne géopolitique. Progressivement, le besoin de coopération l’emportera certainement sur celui de concurrence ou de confrontation. Les défis à relever exigent une gestion globale.
Aucun pays nord-africain ne doit faire face à une menace existentielle. Malgré les nombreux revers, la diplomatie prévaudra dans la confrontation au sujet du Sahara. Les gouvernements du nord de l’Afrique serviraient mieux les intérêts de leurs citoyens s’ils investissaient leurs ressources dans l’industrie et les infrastructures socioéconomiques afin de répondre aux besoins de base des peuples au lieu d’entreprendre une course à l’armement.
Bref, pour sortir de ce cercle vicieux, les élites de l’Afrique du Nord , notamment maghrébines devront s’atteler à la plus impérieuse des tâches : changer les mentalités. Là serait la véritable révolution géopolitique.
Pour aller plus loin :
-Bernard Lugan «Histoire de l’Afrique du Nord » Editions du Rocher, Paris 2016.
– Charles André Julien «Histoire de l’Afrique du Nord» Editions Payot, Paris, 1961.
-Charles André Julien «Histoire de l’Afrique blanche, des origines à 1945» P.U.F, 1966.
–Claude Liauzu «L’Europe et l’Afrique méditerranéenne : de Suez (1869) à nos jours » Éditions Complexe, 1994.
-Friedrich Hegel «Leçons sur la philosophie de l’histoire» Imprimerie Vrin, 1987.
-Jean-François Daguzan «La fin de la Méditerranée ? Conséquence des révolutions arabes» Cahiers de la Méditerranée, n°89, 2014.
-Pierre Razoux «Nouveau panorama géopolitique en Afrique du Nord» AFRI, Paris 2017.
-Rapport de l’Organisation Internationale du travail (OIT) «Emploi et questions sociales dans le monde: Tendances 2020».