La « mondialisation » se définit comme un processus multidimensionnel concernant différents aspects de la vie des sociétés et des individus. Ce processus présente un certain nombre d’avantages mais aussi des avatars que Paul Laudicina résume parfaitement en ces termes : « le paradoxe de cette ère de la mondialisation est le suivant : les mêmes forces qui ont donné naissance à des opportunités sans précédent ont également créé des vulnérabilités et des périls eux aussi sans précédent ».
D’où, l’intérêt de s’interroger sur la place du continent africain dans cette « ère de la mondialisation ». L’Afrique est-elle en mesure de surmonter l’épreuve de la mondialisation ? L’Afrique peut-elle trouver dans la mondialisation les outils pour se développer ?
L’Afrique est un continent géant qui s’étend sur 30 M de km² et regroupe 54 Etats. L’Afrique compte plus d’un milliard d’habitants. Elle sera deux milliards d’habitants, soit plus de 20% de la population mondiale, avec un poids croissant de la jeunesse, car elle connaît toujours une explosion démographique, résultat de sa transition démographique rapide. L’Afrique pèse peu dans l’économie de la planète alors qu’elle est 7 fois plus grande que l’Europe. Elle possède d’importantes ressources dans ses sous-sols qui génèrent depuis longtemps bien des appétits prédateurs. Ces ressources, par contraste avec le dénuement financier de la population, ont amené à dire que « l’Afrique est un continent riche peuplé de pauvres ».
Du fait de la mondialisation, l’Afrique connaît de profondes mutations. Mais ces mutations n’opèrent pas de la même manière partout et le développement, c’est à dire l’amélioration des conditions de vie sociales et économiques apportant aux hommes la satisfaction de leurs besoins essentiels, n’est pas homogène sur tout le continent.
Ainsi, la diversité d’intégration des territoires africains dans la mondialisation permet de parler « des Afriques », ou d’une Afrique plurielle où il est possible d’établir une typologie des Etats en fonction de leur intégration à la mondialisation :L’Afrique du Sud : Les économistes la classent dans la catégorie des pays émergents. C’est le seul pays africain réellement intégré à la mondialisation, dans la mesure où il héberge les seules entreprises multinationales africaines. Les activités économiques sont diversifiées et le pays a connu une forte tertiarisation de son économie.
Les « lions africains », périphérie intégrée et dominée de la mondialisation, pourvoyeuse de matières premières, IDH inégal : Nigéria, Egypte, Algérie, Maroc et Tunisie.
Ces pays peuvent être considérés comme des « pays riches ». Toutefois, ils ont eux aussi conservé des traits du mal-développement : déséquilibre des structures économiques, manque d’infrastructures, fortes inégalités socio-spatiales, etc. Enfin, les incertitudes politiques liées au printemps arabe rend leur situation incertaine et pèse sur certaines activités vitales, comme le tourisme en Tunisie ou en Égypte.
Les pays à revenus intermédiaires, qui s’intègrent progressivement à la mondialisation : Botswana, Côte d’Ivoire, Sénégal, Ethiopie, Kenya, Ghana, Gabon, Cameroun, Namibie, île Maurice.
Les pays les moins avancés (PMA), marges dominées de la mondialisation, IDH très faible : Sur les 50 pays les plus pauvres de la planète, 34 sont des PMA d’Afrique subsaharienne.
Les inégalités se creusent entre les pays : 12 pays seulement assurent plus des ¾ des exportations du continent : l’Afrique du Sud, l’île Maurice, le Kenya, les pays d’Afrique du Nord et les pays pétroliers tels que le Nigeria et l’Angola.
«Marginalisée économiquement et déclassée géopolitiquement, l’Afrique est longtemps restée à l’écart de la mondialisation », écrit Philippe Hugon en préambule d’un article publié dans le n° 33 de Questions internationales. Mais il souligne cependant, que depuis le début du XXIe siècle l’économie africaine a renoué avec la croissance. La diversification de ses partenaires et le relâchement des liens avec les anciennes puissances coloniales semblent désormais accroître son importance stratégique.
L’arrivée de la Chine représente une ouverture des partenariats : pour de nombreux pays, elle représente la fin de la domination des anciens colonisateurs et la possibilité de relations plus équilibrées avec les puissances occidentales et les bailleurs de fonds qui les représentent (Banque mondiale, FMI). En rendant possible le financement de projets que les bailleurs de fonds occidentaux traditionnels n’avaient pas souhaité soutenir pour différentes raisons (priorité, rentabilité, impacts environnementaux), les investissements chinois ont contribué à restaurer les Etats africains comme concepteurs et maîtres d’œuvre de l’aménagement de leur territoire.
Cette montée en puissance des présences chinoises en Afrique a cependant suscité des critiques et des oppositions .Mais une chose est certaine, la présence chinoise en Afrique reflètent à la fois le nouveau statut de puissance de la Chine dans la mondialisation et le nouveau visage de l’Afrique mondialisé.
Ainsi, la mondialisation peut bien être très bénéfique pour l’Afrique si celle parvient à s’adapter à ces exigences. En effet, comme le montre la Géographe et l’économiste Sylvie Brunel, « la mondialisation est un catalyseur du décollage économique. Les pays qui ont des institutions solides, un territoire bien équipé, un secteur industriel déjà étoffé, une population qualifiée se sont développés grâce à l’afflux des capitaux privés. Ceux qui profitent des cours élevés des matières premières pour diversifier leur économie et développer les services à la population, aussi. Les autres, non. La mondialisation ne suscite pas le développement. Elle peut juste l’accélérer. ». Pour illustrer cela, nous pouvons citer l’exemple du Brésil, de l’Inde, de la Chine, de l’Afrique du Sud qui ont connu un développement assez considérable qui les range aujourd’hui dans le groupe des pays émergents et membre du G20.
Conclusion :
L’Afrique est engagée depuis le début du XXIe siècle dans un processus de croissance économique, certes différencié selon les espaces mais prometteur. Le XXIe siècle sera africain ou ne sera pas, pour paraphraser la fameuse prophétie sur le fait religieux attribuée à André Malraux. La formule ne relève pas seulement de la rhétorique. De nombreux d’économistes assurent que la croissance de l’Afrique constituera bientôt le moteur le plus puissant du développement mondial. Cette perspective n’offre-t-elle pas à l’Afrique de réels atouts et de nouvelles chances pour le développement du continent ? N’offre-t-elle pas de vastes opportunités pour une coopération plus riche, plus féconde, plus solidaire ? Comme l’aurait dit Jean de La Fontaine: « Un trésor est caché dedans ».
Des références pour aller plus loin :
- Ben Yacine-Touré «Afrique : l’épreuve de l’indépendance » Open Edition Books, Genève 2015.
- Jacqueline Nkoyok « l’Afrique dans la mondialisation» Editions l’Harmattan, Paris, 2014.
- Paul Laudicina «Le désordre du monde: Les grands axes de l’Avenir » Editions Vuibert, Paris, 2005.
- Philippe Hugon «Un développement en dehors de la mondialisation? » Questions internationales, septembre-octobre N°33, 2008.
- Sylvie Brunel « Une aubaine pour le Sud? » Sciences Humaines, N° 180- Spécial- mars 2007.