La question démographique a toujours été très sensible. De nombreux auteurs n’ont pas apprécié de rendre la démographie responsable du sous-développement, alors qu’à leurs yeux, le lien de causalité est l’inverse. Nous tenterons ici de répondre à quelques questions : Comment relever le défi de la démographie? Quels sont les impacts de la croissance démographique sur la jeunesse, notamment dans le domaine de l’éducation et de l’emploi ? Le développement tant attendu ne sera-t-il pas compromis par le poids de la démographique ?
Le continent est en pleine transition démographique, ce qui fait que la population continue d’augmenter rapidement, entraînant l’exode rural.
1) Histoire démographique africaine :
Il convient de souligner que l’Afrique a connu des périodes de croissance démographique différentes, à partir du XVIIIème siècle.
1)Au XVème et XVIème, l’Afrique est décrite par l’historienne Louise-Marie Diop Maes dans son article « Essai d’évaluation de la population d’Afrique Noire au XVème et XVIème siècle » comme un continent fort peuplé, au rythme démographique soutenu, mais interrompu par les débuts de la traite négrière, dont elle décrit aussi les effets et les pratiques de manière très évocatrice.
2) Du début du XVIIe siècle à la fin du XIXe siècle, l’Afrique marquée par de nombreuses guerres, par l’esclavage et par la colonisation, est généralement considérée comme une période de stagnation démographique pour le continent: sa population serait passée de 113 millions d’habitants en 1600 à 138 millions seulement en 1900.
3) De 138 millions d’habitants en 1900, la population de l’Afrique est passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à 1,4 milliard en 2022 soit 18 % de la population mondiale. Le Nigeria incarne ce boom démographique pour le continent. Avec 211 millions d’habitants, il représente aujourd’hui le septième pays le plus peuplé au monde. En 2050, il sera troisième directement après l’Inde et la Chine avec 410 millions d’habitants et devant les Etats-Unis.
Si l’Afrique représente aujourd’hui 18 % des 8 milliards d’humains, le continent en représentera environ 26 % en 2050 et 40 % en 2100, selon les prévisions de l’Organisation des Nations unies (ONU). Cette vitalité démographique est liée, comme ailleurs par le passé, à la combinaison d’une mortalité en baisse et de taux de natalité encore élevé. Le recul de la natalité, amorcé dans les années 1960-70, ne s’est pas poursuivi au même rythme partout sur le continent, ce qui incite à se méfier des statistiques globales qui masquent la diversité des situations entre plusieurs Afrique démographiques.
Ainsi, l’explosion démographique ne concerne que l’Afrique de l’Ouest, du Centre et de l’Est, notamment la République Démocratique du Congo, l’Egypte, l’Ethiopie, le Nigéria et la Tanzanie. Par contre le Maghreb est sur le point d’achever sa transition démographique. En Algérie, au Maroc et en Tunisie le nombre d’enfants par femme est ainsi passé de 5 à moins de 3 en une vingtaine d’année. Dans ces pays, 60 à 70 % des femmes de 15 à 49 ans ont recours à des techniques de contraception, ce qui correspond à la moyenne mondiale.
L’Afrique est aujourd’hui en face à des défis à relever demeurent à la taille de ce continent, dont la population est de plus en plus nombreuse ce qui suppose des infrastructures adaptées, des logements, des hôpitaux. Or, cela nécessité des investissements que tous les Etats ne sont pas en mesure d’opérer. Cela se voit notamment dans les grandes villes africaines, qui ne peuvent planifier leur urbanisme. En conséquence, les bidonvilles s’étendent.
II) Défis posés par la démographie en Afrique
Soixante ans après les indépendances, l’Afrique est face à des défis considérables notamment en matière d’éducation et d’accès aux soins.
L’éducation en Afrique est certainement l’élément le plus déterminant pour la construction d’un individu et la clé principale de son épanouissement présent et futur.
Aussi, l’immense potentiel de la population africaine ne peut devenir un réel atout dans la compétition mondiale sans la formation et l’éducation de qualité.
Certes, l’Afrique a connu une amélioration substantielle dans l’augmentation de son capital humain, mais elle demeure malgré tout un continent à fort niveau d’inégalités en termes d’accès à une éducation de qualité. D’après l’UNESCO, 59 millions d’enfants ne sont aujourd’hui pas scolarisés et plus de la moitié vivent au sud du Sahara.
En matière de santé, et malgré des avancées indéniables pour la santé des populations dans les dernières décennies, le continent continue de faire face à des défis sanitaires importants : des pandémies répétées et à un manque de sensibilisation aux gestes de prévention indispensables. Le coût élevé des soins représente quant à lui un frein majeur à la guérison.
Certes, des pays africains sont avancés en matière de couverture sanitaire (Afrique du Sud, Tunisie, l’Algérie, l’Ethiopie…) en comparaison avec d’autres pays mais malheureusement les soins médicaux sont souvent hors de portée, ce qui fait des millions de personnes basculent inutilement dans la pauvreté à cause des dépenses de santé coûteuses.
Conclusion
Si quelques des pays d‘Afrique ont accompli des progrès considérables au cours de la dernière décennie, un certain nombre d‘obstacles restent à surmonter pour installer durablement la croissance et assurer un développement soutenable. Les défis sont importants : réduire les inégalités sociales et spatiales, améliorer la qualité de l’éducation et de la formation, structurer la protection sociale.
L’urgence est là, et c’est aujourd’hui que les décisions majeures doivent être prises. Les décisions prises aujourd’hui en matière d’infrastructures, d’éducation et de la formation auront un impact réel sur les opportunités et les choix qui s’offriront aux africains et africaines dans un avenir lointain.
Pour aller plus loin
-Francis Gendreau «Démographies africaines» Éditions ESTEM, Paris, 1996.
-Louise-Marie Diop-Maes «Essai d’évaluation de la population de l’Afrique Noire aux XVe et XVIe siècles» dans la revue Population en 1985.
-Benoît Ferry «L’Afrique face à ses défis démographiques Un avenir incertain» Coédition AFD – CEPED – KARTHALA, Paris 2007.
-Peter Allen «Vers une nouvelle science des systèmes humains» RISS, no 119, fév. 1989.