Introduction
L’Afrique change, évolue, se modernise. Pour certains, ce continent est une caricature de la corruption au pouvoir, pour d’autres, il est le berceau de l’humanité et le continent du futur. Peu importe ce que l’on dit ou ce que l’on pense, l’Afrique et l’Europe sont des continents voisins. Seuls 14kms séparent les deux continents!
Pour comprendre les dynamiques qui ont accompagné l’évolution des relations Europe–Afrique, il est important de commencer par un bref rappel historique.
I) Afrique-Europe, une longue histoire
Histoire oblige, l’origine des relations entre l’Afrique et l’Europe remonte à une époque lointaine. On sait qu’à partir du 15e siècle, commença la traite négrière qui prit fin au 18e siècle, et, au 19e siècle la conférence de Berlin procéda au partage de l’Afrique et à la colonisation de l’Afrique par des puissances européennes. Une colonisation qui s’inscrit sur une période allant de 1850 à 1960.
L’indépendance politique acquise par la plupart de ces pays en 1960 devait entraîner une évolution dans les relations entre l’Afrique et l’Europe. De fait, la création de la communauté économique européenne (CEE) en 1957 avait permis l’institution du Fond Européen de Développement (FED) au profit des anciennes colonies. Ce Fond fut intégré aux Conventions de Yaoundé (Cameroun) dont la première date de 1963. Mais l’élargissement de la CEE devait permettre le regroupement des anciennes colonies des puissances européennes et quelques autres pays africains avec des pays des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et la signature de la première Convention de Lomé(Togo) en 1975.
La convention de Lomé expose les principes et les objectifs de la coopération de l’Union Européenne avec les pays ACP (Afrique, Caraïbe et Pacifique). Les caractéristiques principales sont : le principe de partenariat, la nature contractuelle des relations et une combinaison d’aide, de commerce, de politique ainsi qu’une perspective à long terme (5 ans pour Lomé I, II et III, et dix pour Lomé IV).
Lomé I signé en 1975 et coïncidant avec le quatrième FED, la première Convention de Lomé avait pour objectif (après l’adhésion de la Grande-Bretagne à la Communauté) d’inclure certains pays du Commonwealth dans le programme de Coopération.
En l’an 2000 l’accord de Cotonou (Bénin) succède à l’accord de Lomé de 1975. Accord conclu pour vingt ans, l’accord de Cotonou a été prolongé, le temps d’être remplacé par un autre accord de partenariat, dit «post-Cotonou». Ce nouvel accord, pour les vingt prochaines années, a déjà été signé par les négociateurs en chef de l’UE et des États ACP le 15 avril 2021
Ces divers accords eurafricains sont caractérisés par une inégalité frappante dans les rapports de forces, principalement du fait de la dépendance des pays africains à l’Europe. L’ensemble des structures (financières, techniques et politiques…) maintiennent ou créent un rapport de dépendance structurelle sur le plan économique.
Actuellement les choses commencent à évoluer. Désormais l’Afrique commence à changer, il suffit d’observer les contestations de la société civile. Les récentes prises de position engagées des intellectuels africains sur le franc CFA mais aussi des sentiments des jeunes anti-français pour s’en convaincre. L’Europe doit se rendre compte qu’elle a un partenaire africain de plus en plus «courtisé», instruit et conscient de ses responsabilités, qui demande plus de justice, d’équité et de concertation.
II) Vers un nouveau partenariat entre l’Europe et l’Afrique
Aujourd’hui, le partenariat Afrique-Europe est à la croisée des chemins, affaibli par ses défis internes et fortement affecté par les transformations rapides et profondes qui se produisent en Afrique, en Europe et dans le monde.
Ainsi, les relations économiques et diplomatiques eurafricaines ne peuvent reposer sur un principe de donateur-bénéficiaire.
De même, les solutions du passé ne sont pas à la hauteur des enjeux politiques, économiques et démographiques de notre époque.
Aujourd’hui plus que jamais, les deux continents ont besoin que ce partenariat soit fort et égalitaire basé sur des relations saines et durables et non pas uniquement sur un jeu géopolitique entre les grandes puissances.
Ainsi le partenariat UA-UE devrait être fondé sur l’égalité, l’inclusivité, la responsabilité mutuelle, les valeurs partagées et la prospérité. Une réinitialisation du partenariat est nécessaire de toute urgence. À cette fin:
1) L’UE et l’UA doivent s’efforcer de dépasser et abandonner le traditionnel cadre donateur-bénéficiaire, colonial et postcolonial Nord-Sud, sur lequel les relations ont jusqu’à présent été établies. Cela doit impliquer un examen approfondi des problèmes systémiques et structurels qui sous-tendent la relation actuellement déséquilibrée entre l’UA et l’UE – dans des domaines tels que les systèmes de santé, d’éducation, les relations commerciales, la dette, les flux financiers illicites – et qui exacerbent plutôt qu’ils n’améliorent l’équité de la gouvernance internationale. Dans ce cadre, par exemple, les pays européens pourraient prendre une initiative unilatérale en convertissant en investissements dédiés à la transition verte ou la transition numérique une partie de la dette publique africaine.
2) L’UE et l’UA doivent établir des mécanismes de gouvernance clairs au sein desquels la redéfinition du concept de partenariat, englobant une large approche multi-acteurs; une prise de décision conjointe via des processus transparents et participatifs; le partage d’informations accessible et disponible en amont; et des structures de mise en œuvre et de suivi. Le partenariat devrait renforcer le rôle des politiques publiques et réguler efficacement l’influence et les investissements du secteur privé.
3) Le partenariat UA-UE doit reconnaître et s’appuyer sur la diversité, les connaissances et les compétences des continents africain et européen. À cette fin, l’UA et l’UE, en dialogue avec les organisations de la société civile, les communautés économiques régionales et les autorités locales, devraient établir une feuille de route claire pour respecter et mettre en œuvre le programme de localisation, en garantissant un transfert de pouvoir et de ressources aux acteurs et actrices locaux qui sont directement impliqués, pour assurer le progrès politique, social et économique d’une nation, tout en respectant les limites écologiques planétaires. En un mot un partenariat fondé sur les besoins réels des Africains
Conclusion
Aujourd’hui, l’Europe est fortement concurrencée en Afrique par des pays émergents comme la Chine, l’Inde, la Corée, les pays du Golf, la Turquie, mais aussi des puissances économiques telles que le Japon, les États-Unis, le Canada, pour ne citer que ces pays. La relation Europe-Afrique est de toute première importance pour des raisons liées à la proximité des deux espaces mais aussi à l’histoire.
Face à cette concurrence mondiale, l’Europe et l’Afrique doivent avancer ensemble et avoir des stratégies concertées, des objectifs clairs mais surtout des réalisations concrètes.
Le chemin sera certainement long et difficile, mais l’espoir est permis : un jour, l’« utopie » peut devenir réalité.
Pour aller plus loin
-Bayart Jean-François «La politique africaine de François Mitterand» Paris, Karthala, 1984
–Carlos Lopes «L’Afrique est l’avenir du monde. Repenser le développement» Editions Seuil , Paris, 2021.
-Jean-Luc Buchalet et Christophe Prat «Le futur de l’Europe se joue en Afrique» Editions Eyrolles, Paris, 2019.
–Joseph Mbita «l’Afrique face aux accords de partenariat avec l’Europe» Editions L’Harmattan, Paris, 2015.
-Philippe Marchesin «La Politique française de coopération – Je t’aide, moi non plus» Édition L’Harmattan, Paris, 2021.