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L’identité

Aboulmajd Abdeljalil Président du CCES

«La crise d’identité serait le nouveau mal du siècle» Claude Lévi-Strauss (1908 – 2009)

«La crise d’identité serait le nouveau mal du siècle»

Claude Lévi-Strauss (1908 – 2009)

Résumé

La citation de Lévi-Strauss nous explique à quel point l’identité est importante autant pour l’individu que pour le groupe. La notion d’identité est actuellement l’une des préoccupations majeures intellectuelles et existentielles. Tout le monde parle de l’identité, tout le monde utilise cette notion.

Cet article vise à éclairer les esprits sur quelques facettes de ce phénomène universel, qu’est l’identité. Il cherche, en particulier, à faire comprendre ce qui différencie ses aspects individuels de ses aspects collectifs et d’essayer de démontrer que l’identité est un phénomène dynamique, une construction en perpétuel mouvement, apte à se transformer selon les aléas de son environnement.

Mots-clés :

Identité, mondialisation, individu, unité, diversité, ethnicité, religion.

   I-Introduction

L’identité est aujourd’hui sujet de toutes les convoitises, au centre de polémiques et objet de toutes les instrumentalisations.

La question identitaire semble être un point commun aux sociétés développées et en voie de développement. Tous posent les questions suivantes : Qu’est-ce que l’identité ? Que signifie-t-elle ?La mondialisation est-elle une menace pour l’identité ?La religion est-elle au cœur de la crise identitaire ?

Tout abord, il est important d’essayer de définir ce concept de façon relativement précise pour ensuite analyser ses contours à l’ère de la mondialisation.

II- Définition de l’identité

Bien que la notion d’identité soit parfaitement ancrée dans le langage quotidien, elle n’en demeure pas moins souvent diffuse et mal définie. De fait, diverses sciences sociales se sont efforcées de décrire ce que recouvre cette notion d’identité.

En général les études anthropologiques, sociologiques, historiques, géographiques ou politiques de l’identité traitent des aspects collectifs de la construction identitaire, sans négliger l’aspect individuel de l’identité. C’est pourquoi il est primordial de distinguer ces deux aspects.

-L’identité phénomène individuel : Chaque individu possède sa propre conscience identitaire qui le rend différent de tous les autres. Cela signifie que l’identité est d’abord appréhendée comme phénomène individuel. On peut fondamentalement la définir comme la façon dont l’être humain construit son rapport personnel avec l’environnement.

Ainsi, pour toute société humaine, toute nation, tout être humain l’identité est fondamentale. C’est une question d’appartenance mais aussi un problème existentiel majeur.

Dans son ouvrage «Les identités meurtrières», Amin Maalouf explique qu’une identité est forcément complexe : chaque être humain est singulier car son identité est composée d’influences multiples, plus ou moins importantes, mais dont aucune n’est négligeable.

-L’identité phénomène collectif : L’identité est définie aussi comme l’appartenance à certains groupes et c’est pourquoi on parle «d’identité collective». Les identités collectives se constituent lorsque plusieurs personnes se sentent reliées les unes aux autres du fait qu’elles partagent des caractéristiques identitaires. Un enfant apprend par le biais de son environnement direct quels groupes il doit différencier, desquels il fait partie et desquels il doit se démarquer. C’est l’environnement de l’enfant qui lui transmet les différenciations, notamment selon le statut social, la couleur de la peau, la religion, la nationalité.

Bref, l’identité collective est ce qui réunit les individus d’une communauté, au-delà de leurs inégalités sociales, et qui au travers du partage de la langue, de l’histoire, des religions, des valeurs leur donne le sentiment d’appartenir à une communauté et l’envie de la défendre.

III- Mondialisation et identité :

À l’heure actuelle, La mondialisation est en train de bouleverser non seulement les équilibres socioéconomiques mais aussi des cultures installées.

Cependant, au-delà, d’espoir et d’inquiétude, la mondialisation est avant tout caractérisée comme un phénomène économique ancien et continu du développement du capitalisme libéral. Elle est donc un processus et non un état.

Comprise comme un processus qui transforme le monde en «village global», la mondialisation est un phénomène ancien qui prend ses racines dans l’histoire où le processus de mondialisation existe depuis bien longtemps.

Toutefois, la mondialisation telle qu’elle existe aujourd’hui ne se réduit pas à ses effets économiques, mais elle a aussi des effets culturels et écologiques.

Depuis une trentaine d’années, en Amérique du Nord et en Europe, la concurrence et l’interdépendance des économies, l’accroissement des échanges commerciaux et le développement des flux migratoires inquiètent des citoyens, des syndicats, des partis politiques, des journalistes qui s’interrogent sur la singularité de leur pays, de leur société, de leur religion, de leur identité.

Des mouvements naissent en réaction à cette mondialisation déséquilibrée. Ces mouvements sont des actions collectives menées en vue d’un objectif, dont le résultat, en cas de succès comme en cas d’échec, transforme les valeurs et les institutions de la société. Leurs fondements sont basés sur l’identité.Une identité ne cesse de se construire et de se reconstruire.

Ainsi, dans une situation de crise, quand les individus perdent leurs repères, sont menacés ou confrontés à l’incertitude, l’identité devient un refuge, une échappatoire.

Deux grandes forces vont profondément affecter le monde au cours des prochaines années : la croissance de la population et la nouvelle économie. Cette nouvelle économie qui est centrée autour des moyens de communications bon marché apporte de fantastiques opportunités pour de nombreux pays développées et en développement. Cependant, cette nouvelle économie porte aussi ses incidences sur les spécificités socioculturelles. Amin Maalouf signale qu’à l’ère de la mondialisation une nouvelle conception de l’identité s’impose. Si on n’arrive pas à assumer nos appartenances multiples et à faire une conciliation entre le besoin d’identité et l’ouverture décomplexée aux cultures différentes on assistera à des réactions égarées de la part des individus.

Ainsi, une mondialisation mal maîtrisée, trop rapide, mal comprise entraîne le développement et le renforcement des identités de toute sorte.

IV – La religion et l’identité

Quoique cela ne soit peut-être pas nécessaire, il peut être utile de commencer par une brève définition ou description de la religion. Alors qu’est-ce que la religion ?

Pour l’écrivain Patrick Banon, dans son livre « Guide du mieux vivre ensemble ma laïcité, ma religion, mon identité », il n’y a pas de définition précise. Ce que l’on sait, par contre, c’est qu’il y a plusieurs systèmes religieux croyant tous qu’ils détiennent la vérité. Pour Banon, aucune religion n’est condamnable, ce n’est que les pratiquants qui peuvent avoir des dérives comportementales. Cicéron a dit de la religion qu’elle « est le fait de se soucier d’une certaine nature supérieure qu’on appelle divine et de lui rendre un culte. » Pour Émile Durkhien, la religion est un système de solidarités lié à la croyance et à la pratique spirituelle qui fait qu’une communauté se rassemble autour d’un même Dieu et y adhère.

Tocqueville, l’auteur de l’ouvrage « De la démocratie en Amérique»,   estime que la religion joue un rôle essentiel pour que la politique soit juste. Elle joue un rôle pour que la liberté continue. Il dit « Si le citoyen n’a pas la foi, il faut qu’il serve. Et s’il est libre, qu’il croie ». Tocqueville pense que l’homme qui croit à quelque chose a une morale beaucoup plus forte.

La religion figure parmi les facteurs qui nourrissent les identités. En Europe occidentale, pour les milieux conservateurs et traditionnalistes, le catholicisme est perçu comme une religion millénaire désormais concurrencée par un islam souvent vu comme une menace. Les sociétés sécularisées d’Europe ont en effet du mal à comprendre l’attachement de leurs compatriotes musulmans à la pratique du ramadan et des prières quotidiennes. Convaincues que la religion doit demeurer une affaire privée et invisible dans l’espace public, elles s’interrogent aussi sur la compatibilité de l’islam avec leurs valeurs. L’exemple des États-Unis montre pourtant que dans un pays de culture chrétienne industrialisé et « moderne », la religion est vécue ouvertement et au quotidien.

Ce phénomène de retour du religieux qualifié des «réveils religieux» que l’on constate en diverses régions du monde, y compris dans les pays occidentaux, inquiète. Il faut reconnaître que les religions – toutes les religions – peuvent devenir redoutables quand le nom de Dieu est utilisé abusivement par des individus ou des groupes fanatiques et plus ou moins politisés.

Toutefois il convient de préciser que l’Islam est une religion pluraliste qui se caractérise en plus de deux branches principales Sunnites et Chiites, par une mosaïque confessionnelle et religieuse.

Aujourd’hui,la «montée en puissance de l’Islam politisé» dans le monde, surtout en Europe et dans le monde arabo-musulman inquiète, tant par sa présence démographique que par le développement du terrorisme et des inégalités sociales qui rendent les sociétés plus opaques à elles même, incertaines de leur avenir et même de leur passé.

Ce retour en force du référent religieux s’est opéré aussi par l’évolution du jeu géopolitique mondial, issu du contexte de la Guerre froide. George Corm avait démontré comment les puissances européennes, puis les Etats-Unis, avaient tenté de mettre en échec l’arabisme laïc d’inspiration socialiste, considéré comme dangereux pour les intérêts géostratégiques de l’Occident, par la mobilisation de solidarités religieuses transnationales et comment, après l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1980, les Etats-Unis ont tout fait pour mobiliser, armer, financer des volontaires musulmans (dits les « Afghans ») pour résister aux Soviétiques. Une manière, en somme, de «jouer sur l’attachement populaire à la religion pour combattre l’extension de l’idéologie marxiste».

Ainsi, le retour à l’Islam devient une forme obsessionnelle de l’identité, une sorte de tendance à rapporter toute action, présente ou future, à un précédent historique, mythifié. Ce qui se passe est une revanche de la société civile sur l’Etat, mais une revanche qui se situe dans un contexte populiste sous la forme de «conduites rituelles collectives, d’observance stricte d’interdits alimentaires, de signaux vestimentaires, de solidarités immédiates».

Conclusion

L’identité est dans une large mesure, héritage et mémoire. Elle s’appuie sur des valeurs, des symboles et des mythes fondateurs. Les nations, comme les individus lorsque leur évolution semble entravée et que quelque difficulté les menace, recherchent dans leur passé des raisons de se rassurer sur l’avenir.

  Dans ce cadre, Edgard Morin signale : « Il nous faut fonder la solidarité humaine… sur la conscience de notre appartenance au complexe commun tissé par l’ère planétaire, … sur la conscience de nos problèmes communs de vie ou de mort…. Nous sommes solidaires de cette planète, notre vie est liée à sa vie. Nous devons l’aménager ou mourir. Assumer la citoyenneté terrestre, c’est assumer notre communauté de destin »

En bref, Nul n’est une île : vivre avec l’autre devient un impératif concret à dimension désormais planétaire, à comprendre, à accepter, à vivre et à gérer.

Pour aller plus loin :

-Amin Maalouf «Les Identités meurtrières» Editions Grasset, Paris, 1998.

-Anderson Benedict «L’imaginaire national» Editions La Découverte, Paris, 1996

-Claude Lévi-Strauss «L’identité»Editions PUF, Paris, 1977.

-Cesari Jocelyne «L’islam à l’épreuve de l’Occident» Editions La Découverte, Paris, 2004.

-Edgard Morin   «Terre-patrie» Editions Seuil, Paris, 1993.

-Francis Fukuyama «La fin de l’histoire et le dernier homme»Editions Flammarion, Paris, 1992.

-Georges Corm «Perspectives démocratiques au Machrek» in Moyen-Orient, 1994.

-Manuel Castells «Le pouvoir de l’identité» Editions Fayard, Paris, 1999.

-Mohammed Arkoun «Entretien avec Mohammad Arkoun», Revue du Tiers-Monde, 1990.

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